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« Tant que nous n’affronterons pas la source de notre propre oppression sur le plan émotionnel, au niveau du ressenti, tant que nous ne nommerons pas l’ennemi à l’intérieur de nous-mêmes et à l’extérieur de nous, aucun lien authentique et non-hiérarchique ne pourra être établi entre les groupes opprimés. » - Cherrie Moraga (2011)
En tant que sociologue s’intéressant aux processus de construction des féminités et des masculinités dans les sociétés caraïbéennes post-esclavagistes, je m’efforce d’être en contact avec les créations artistiques produites par les ressortissant·e·s de ces espaces, en particulier celles d’Haïti.
C’est dans cette optique que j’ai écouté 48 Rebecca, l’album de Medjy, dès sa sortie en 2023. Composé de dix chansons — Pasyante, Konsèy, Lasyans, Pridan, Jou dega, Bèl appel, La patri andanje, Soperiye, Mèsi bokou et Bad Gyal —, cet opus a retenu mon attention par la singularité de ses textes [1]. À force de l’écouter en boucle, mon regard de sociologue s’est arrêté sur un aspect qui détonne dans le milieu du compas (HMI) : la manière dont l’album aborde les relations entre hommes et femmes. Deux mois après cette première écoute, j’ai eu un déclic réflexif.
L’album offre des outils particulièrement fins pour appréhender une expérience de subjectivation ancrée dans les rapports sociaux de sexe en Haïti. 48 Rebecca permet en effet d’entrevoir un homme qui assume ses émotions et prend le risque de se dévoiler en tant que fils, amant et époux — une posture peu courante dans un contexte où les hommes refusent généralement d’exprimer leur vulnérabilité, leur souffrance et leur tendresse. L’album propose ainsi une expérience inédite de la vulnérabilité, ouvrant la voie à une résistance contre la domination masculine.
Pour reprendre le couple conceptuel de Pascale Molinier (2000), virilité défensive, masculinité créatrice, 48 Rebecca dresse le portrait d’un homme qui cherche à se distancier d’une virilité défensive pour embrasser une masculinité créatrice. Autrement dit, il s’agit d’un homme qui revendique la possibilité d’exister autrement, en prenant ses distances avec les logiques mortifères de la virilité. L’album reprend ainsi, de manière intuitive, l’hypothèse avancée par bell hooks (2021) : la domination masculine ne bénéficie pas aux hommes, dans la mesure où elle mutile leur vie affective et les prive de l’amour.
48 Rebecca constitue ainsi un matériau empirique à l’état brut pour penser ce processus, à la fois interne et externe, par lequel l’individu s’érige en principal architecte de son existence en développant le souci de soi (Foucault, 1984). Ce processus inaugure simultanément le surgissement de l’acteur en devenir, dont l’action peut potentiellement impacter son environnement.
En effet, 48 Rebecca présente un modèle masculin inédit, qui prend ses distances avec le Player de Carimi (2004), le Gee gason (c'est-à-dire un vrai homme) contemporain et le Gason total de Tropicana.
En d’autres termes, l’album propose une subjectivation qui implique la construction d’un modèle d’homme porteur de sens, incarnant une manière singulière de vivre avec les autres, notamment les femmes, en mettant en scène des expériences inédites. Comment ne pas violenter l’autre face à l’épreuve douloureuse de l’infidélité ? Comment considérer les femmes comme des partenaires dotées d’agentivité dans les relations amoureuses ? Comment assumer son amour pour ses proches ? Autant de questions qui émergent de l’écoute de cet album.
Pour mettre en lumière ces aspects, j’analyserai huit des dix chansons qui le composent : Pasyante, Konsèy, Lasyans, Bèl apèl, La patri andanje, Soperiye, Mèsi bokou et Bad Gyal.

La chanson Pasyante (Patienter), qui ouvre l’album, est une ode à la réinvention de soi sur fond de gratitude. En s’appuyant sur son capital expérientiel, le chanteur remercie la vie, tant pour les bons que pour les mauvais moments. Le texte fait l’éloge de la patience comme moyen de matérialiser cette transformation de soi :
« Si w pa renmen kote w ye a,
Si w pa anwo, w pa anba,
Pran vi w chanje l tempo,
Sa ka pran tan, men w ap kontan. »
Si l’on ne se reconnaît pas dans cette démarche, mieux vaut éviter de faire perdre du temps à quelqu’un qui souhaite construire une vie à deux. À travers cette chanson, l’artiste encourage chacun à mobiliser son agentivité pour contribuer à un monde meilleur, au-delà des cadres prescrits. L’invitation est aussi à prêter attention aux autres et à leurs désirs.
Entre aspiration personnelle et projection collective, la chanson propose une voie d’émancipation par la rencontre avec soi-même et l’identification de ses besoins. Elle s’inscrit dans une communauté discursive où elle invite son auditoire à envisager la réinvention de leur quotidien en prenant leurs distances avec le superflu. Le texte véhicule un double message : nous sommes certes autonomes, mais nous devons aussi ajuster notre rythme de vie, car il existe un espace transcendantal de bien-être qui doit servir de boussole à la construction du commun.
La deuxième chanson de l’album, Konsèy, met en lumière le fait que les hommes n’ont pas toujours toutes les cartes en main pour gérer les relations amoureuses comme ils l’imaginent. Adoptant une perspective qui tient compte de la subjectivité des femmes, le chanteur invite les hommes à revoir leur approche des relations, car les femmes ne sont plus dans une posture d’attente passive :
« Frè m, pou m di w la verite, manzè pa rete sou w »
[…]
« Lè pou w te bon w betize, baz w pèdi chans w. »
Les femmes ne sont plus placées en position de faiblesse ; en cas de désaccord, elles ne sont plus les seules à céder, à faire des compromis ou à se sacrifier pour que la relation fonctionne. Le chanteur rappelle aux hommes que les règles du jeu de la séduction et du maintien des relations sont devenues plus subtiles. Il les exhorte à reconsidérer leur approche et à voir les femmes comme des agentes actives, capables d’orienter le devenir des relations autant qu’eux. Il présente ainsi les relations amoureuses comme des interactions stratégiques (Rosemond, 2020), c’est-à-dire une dynamique réciproque où les femmes influencent les comportements des hommes et vice-versa.
Cette chanson invite donc les hommes à adopter une nouvelle vision des relations amoureuses, car les idéaux et les interdits liés à ce domaine ont évolué dans la société haïtienne. Ainsi, Konsèy propose une réinvention des règles du jeu amoureux et encourage les hommes à être authentiques en exprimant clairement leur intérêt lorsqu’ils sont amoureux.
L’ancien modèle, où les femmes attendaient passivement les hommes et toléraient leurs écarts, ne fonctionne plus. Konsèy les incite à analyser leurs échecs relationnels à la lumière de leurs propres comportements. Cette chanson constitue ainsi une réflexion sur le dépassement de l’infériorisation des femmes dans les dynamiques relationnelles hétérosexuelles. Les femmes, dans cette perspective, ne sont plus des êtres démunis, systématiquement en situation de vulnérabilité dans les relations ; elles sont capables, dans certaines circonstances, de renverser la dynamique à leur avantage. Les hommes doivent donc se défaire de cette vision archaïque pour bâtir des relations plus épanouissantes avec elles.
La troisième chanson de l’album, Lasyans, repose sur l’hypothèse que l’amour n’est pas une donnée figée, mais une construction mutuelle. Chaque partenaire doit y contribuer pour permettre le développement d’une alchimie où les deux parties peuvent s’épanouir. Au-delà de cette idée, la chanson explore aussi une vision du couple fondée sur la croissance commune, tant sur le plan matériel que psychologique. Comment évoluer ensemble ? Comment instaurer un climat de confiance et encourager l’autre à s’ouvrir par un investissement sincère dans la relation ?
Dans cette chanson, le chanteur exhorte les hommes à créer un espace de confiance, un cercle de bienveillance et de sécurité émotionnelle, condition essentielle pour vivre des relations solides et profondes avec les femmes. Il met en avant une expérience masculine de disponibilité émotionnelle : comment rendre l’autre heureux pour être heureux en retour ? Comment prendre le risque de l’alchimie totale avec son·sa partenaire afin de construire un « nous » et d’accéder à une vie sentimentale épanouissante ?
Le message central de la chanson est clair : les hommes n’ont pas à réprimer leurs émotions ni à être constamment dans une posture de conquête. Ils ne doivent pas entretenir un rapport détaché avec leurs sentiments et l’amour, mais plutôt développer un engagement sincère qui leur permet de bénéficier pleinement de l’intimité familiale. Dans cette vision, les relations ne sont plus structurées selon un modèle où tout tourne exclusivement autour des hommes. Lasyans met en lumière la possibilité de formes alternatives de relations hétérosexuelles, fondées sur un véritable partenariat. Medjy y propose un modèle relationnel qui s’éloigne de la figure du dominateur pour s’inscrire dans une dynamique où la reconnaissance de l’interdépendance entre les êtres coexiste avec le respect de l’autonomie de chacun·e, comme l’analyse bell hooks (2021).
Dans cette même perspective, Bèl apèl, sur fond de bossa nova, invite à reconnaître l’importance de nourrir les liens familiaux en engageant pleinement ses émotions. Cette chanson est particulièrement touchante en ce qu’elle met en avant un modèle de gestion de la charge émotionnelle (Hochschild, 2003) du point de vue des hommes. Cette charge est généralement perçue comme une responsabilité féminine :
« Bay yon ti lòv, sa pa koute w anyen. »
L’intérêt majeur de cette chanson réside dans le fait qu’elle propose un autre scénario : celui où un homme peut exprimer son souci pour les autres, sa disponibilité et son empathie, sans que cela ne soit perçu comme une faiblesse.
Cette chanson suggère différentes manières de rendre la vie plus agréable : prendre des nouvelles de l’autre, lui envoyer des fleurs pour son bien-être psychologique, et, plus largement, oser identifier, assumer, apprécier et vivre pleinement ses affects. Elle invite à créer un environnement émotionnel confortable pour ses proches, tout en rendant visibles ses sentiments et l’appréciation que l’on éprouve pour eux, afin d’apporter un peu de couleur à leur existence. Le titre de la chanson suggère que celui ou celle qui s’engage dans cette démarche en retire autant de satisfaction que la personne qui en bénéficie.
Dans un tout autre registre, La patri an danje explore l’expérience du doute masculin face à la tromperie ou l’infidelité :
« Sa m panse a ka pa sa,
Mwen gen anpil soupson sou sa,
Mwen espere se pa vre. »
La chanson décrit les indices qui amènent le protagoniste à suspecter l’infidélité de sa partenaire :
« Kiyès k ap pran foto yo,
Ki reflè ki nan linèt yo ? »
Mais le plus dur reste de s’avouer que l’on n’est plus aimé :
« W ap panse ak yon lòt pandan mwen bò kote w la,
Kè w ap bat pou yon lòt pandan mwen bò kote w la,
W ap dòmi, rève yon lòt pandan mwen bò kote w la.
Mete m sou men, si w bezwen w sòt kote w la. »
Dans cette chanson, le chanteur exprime l’absence d’alchimie dans le couple :
« Nou fè lanmou chak jou, men w ta di nou kite. »
Bien que torturé, le protagoniste assume ses sentiments pour l’autre :
« Mwen pa rayi w pou sa.
Mwen pa menm ka rayi w pou sa. »
Le cœur de cette chanson réside dans l’acceptation du fait que l’autre a le droit de partir, de ne plus aimer, même si l’on est toujours amoureux. Elle insiste sur l’importance de ne pas laisser la haine prendre le dessus. Le point d’honneur de ce morceau est précisément la rupture avec la violence qui accompagne trop souvent ces moments dans les couples hétérosexuels.
Toutefois, le chanteur reconnaît que son ego est profondément blessé, tout en assumant sa souffrance :
« Ki moun ki di koze lanmou sa se te yon bèl bagay la ?
Jan m ap soufri a, mezanmi a !
Montre m kote bèl bagay la. »
La chanson met en scène l’ambivalence du protagoniste : bien qu’il tente de poser des barrières, il doute de sa propre capacité à ne pas replonger dans cette relation.
Cette chanson interroge le rapport à l’amour d’un point de vue masculin, dans un contexte où le chanteur prend ses distances avec les dénigrements dont les femmes sont souvent victimes lorsque ces situations surviennent dans les relations. Plutôt que d’accuser ou de blâmer, il se concentre sur son propre vécu et ses ressentis, tout en reconnaissant à l’autre le droit d’éprouver des sentiments pour quelqu’un d’autre.
Cette posture traduit une maturité émotionnelle qui admet que l’infidélité est douloureuse. La chanson offre des outils particulièrement fins pour saisir les processus de subjectivation en train de se construire. Elle témoigne du fait que le chanteur prend le risque de l’empathie et entre en résonance émotionnelle avec ceux et celles qui se retrouvent dans cette situation. Il incarne un homme torturé qui exprime ses souffrances, ses peurs, ses doutes, ses incertitudes et ses échecs. La chanson révèle ainsi un vécu du doute amoureux, où l’expérience masculine est traversée par le déchirement et la souffrance, au même titre que celle des femmes.
Soperiye, pour sa part, explore l’idée d’assumer la possibilité d’aimer après les désillusions. Comment éviter d’endosser la carapace du vagabond for life (Kreyòl la, 2007) ? La chanson met en scène un homme qui refuse de s’enfermer dans la rancœur et qui ouvre de nouveau son cœur à l’amour lorsqu’il se présente. Il adopte une posture d’ouverture, où la rencontre est acceptée dans toute son ambivalence : à la fois enchantement et désenchantement, considérés comme faisant partie intégrante du processus d’aimer l’autre :
« Chéri mwen apresye pil drama w yo. »
Aimer, pour lui, est un risque : celui de remettre son cœur en mouvement et de prendre ses distances avec la mise en veille de ses émotions :
« Kè m te an konje,
Tout santiman mwen fèriye. »
Dans la perspective développée par bell hooks dans l’ouvrage pré-cité, le chanteur prend le risque de s’éloigner de l’omerta masculine qui traverse les relations sentimentales avec les femmes. L’originalité de cette chanson réside dans la mise en exergue d’une conscience amoureuse masculine : un homme qui aime tomber amoureux et qui accepte d’entretenir son moi amoureux, en dehors de l’accumulation et de la conquête de relations superficielles.
La chanson rappelle également que les manières de se rencontrer et de construire une relation sont plurielles. Chaque relation est une expérience unique :
« M vin oblije di jamè,
Nan lanmou, mwen pa ka kwè.
Pou valè bagay yo fè m,
Mwen panse Bondye te blòk mwen.
Kè m te an konje [….]
Gen yon moun ki antre nan vi m kon fè egare,
Ki se pwa ki te manke m,
Pou fè kè m chavire. »
Mèsi bokou est un véritable bijou de l’album. Cette chanson met en scène un homme qui ose aller à l’encontre de l’opinion de ses amis pour s’investir dans une relation. Amoureux, il fait son choix en toute conscience :
« Tout moun di w pral fè m mal,
W pral met dlo nan je m. [….]
Kounye a kite m fè chwa m,
Erè pa m [….] »
Cette chanson marque une rupture avec l’entre-soi masculin, où se construit généralement la réputation des femmes :
« Yo ! Fanm sa pa bon non, biliv.
Li plen istwa. Non ti liv.
Brodè (brother) mwen di w. Biliv !
Tout moun di fòm pè w, fòm wè vrè koulè w. »
Loin d’ignorer ces discours, le chanteur les met en lumière et les rapporte à la femme concernée :
« Yo di w pa kon renmen,
Yo mande m pa ki mwayen
M pral pran fanm sa [….]
Pil tripotay. »
Il dévoile ainsi ce qui se dit d’elle dans cet espace fermé qu’est le boy’s club (Delvaux, 2019) et dénonce un cadre où la virilité se construit entre pairs, en classant les femmes en fonction des besoins des hommes. En révélant ces discussions, il ouvre à la femme l’accès à un espace qui lui est généralement interdit.
Cette chanson met en avant la figure d’un homme transfuge de son groupe, qui refuse d’adhérer à une masculinité où son identité se définit uniquement en relation avec celle des autres hommes. L’espace exclusivement masculin ne constitue plus, pour lui, un lieu de validation de sa vie privée. Il a le courage de remercier ses amis, tout en leur signifiant que leur opinion ne compte pas dans ce domaine.
Bad Gyall, dernière chanson de l’album, parachève ce travail de déconstruction en présentant la figure de la bad gyall (bad girl).
« […] Tèt Gyall,
Manzè gen style pal,
Manzè gen kòb pal,
Li pa bezwen anyen nan men ken vagabon sal.
Bebi a move, li gen tout sa l vle.
Pa gen anyen fanm sa pa merite.
Li gen afè l tou pare.
Se pa moun ki konn mande.
Lè l kanpe ak mwen, se li ki atis la,
Se ti Medjy ki fanatik la. »
Dans un autre contexte, cette femme aurait été perçue comme une indésirable, une figure à éviter à tout prix. Ici, au contraire, le chanteur valorise son indépendance et la revendique comme un atout. Il ne la réduit pas à une femme qu’il faudrait redresser, mater ou protéger, mais célèbre au contraire celle qui possède ses propres ressources et refuse l’assignation à la fragilité ou à la dépendance.
Cette chanson fait ainsi l’éloge d’une femme libre et affranchie du regard masculin, qui cherche à la présenter comme vulnérable ou diminuée. Le chanteur exprime le courage d’un homme qui assume d’aimer une femme forte, qui a du pouvoir sur sa propre vie. Il se sent en sécurité avec la bad gyall et n’est pas fragilisé par le fait qu’elle gagne bien sa vie et trace son propre chemin. Toute cette dynamique de déconstruction se reflète dans une phrase clé :
« Lè l kanpe ak mwen, se li ki atis la,
Se mwen ki fanatik la. »
Par cette inversion des rôles, il affirme que la réussite de cette femme ne le menace pas. Bien au contraire, il reconnaît pleinement son autonomie et proclame qu’elle a, elle aussi, droit à l’amour et à un véritable accompagnement.
Sans exprimer d’opinion sur le chanteur que je ne connais pas personnellement, je reconnais que l’album 48 Rebecca met en lumière le profil d’un potentiel allié des femmes dans leur lutte pour dépasser leur condition dans notre société. Cette affirmation repose sur le fait que l’album propose des pistes de réflexion pour envisager une masculinité capable de diffuser une « culture de réconciliation » (hooks, 2021, p. 10) entre les hommes et les femmes. Ici, les femmes ne sont pas perçues comme des adversaires, mais comme des partenaires avec qui un monde commun est possible.
L’album prend le risque d’aller à contre-courant des messages généralement véhiculés dans l’industrie musicale haïtienne, une industrie largement structurée autour d’une esthétique où sexisme et misogynie constituent un fonds de commerce inépuisable. 48 Rebecca, au contraire, invite les hommes à se distancier de leur socialisation, qui les empêche souvent de prendre le risque d’une véritable alchimie avec les femmes, sous peine d’être rejetés par leurs pairs.
L’album met en scène un processus de réappropriation de soi par un homme qui s’affranchit des injonctions à une masculinité dictant que les hommes doivent être coupés de leurs émotions. Il propose une vision de l’amour empreinte d’optimisme et d’espérance, suggérant la possibilité d’une rencontre saine entre hommes et femmes. Enfin, il met en avant l’idée que l’amour et la bienveillance peuvent constituer un espace de reliance, une force commune pour affronter ensemble les oppressions sexistes, mais aussi, pourquoi pas, impérialistes et racistes.
Références
Carimi. (2004). Player. [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=uUACkFVFex0
Delvaux, M. (2019). The boy’s club. Remue-Ménage.
Foucault, M. (1984). Histoire de la sexualité, tome 2 : L'usage des plaisirs. Gallimard.
Hochschild, A. (2003). Travail émotionnel, règles de sentiments et structure sociale. Travailler, 9(1), 19-49. https://doi.org/10.3917/trav.009.0019
hooks, b. (2021). La volonté de changer. Les hommes, la masculinité et l’amour (A. Taillard, Trad.). Divergences.
Kreyò la. (2007). Vagabon for life. [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=wwwlEjbV-VI
Molinier, P. (2000). Virilité défensive, masculinité créatrice. Travail, genre et société, 3(1), 25-44. https://doi.org/10.3917/tgs.003.0025
Moraga, C. L. (2011). Citant Audre Lorde. Les Cahiers du CEDREF, 18. Publié en ligne le 8 mars 2013. Consulté le 18 mars 2025. http://journals.openedition.org/cedref/674; https://doi.org/10.4000/cedref.674
Rosemond, M. A. (2020). Les rencontres amoureuses : Une approche par la théorie des jeux. [Manuscrit, HAL]. https://hal.science/hal-02533919v1/document
Tropicana. (2015). Gason total. [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=ObRjhUPXhnQ
Notes
[1] Mon analyse porte exclusivement sur huit titres de l’album 48 Rebecca, à savoir : Pasyante, Konsèy, Lasyans, Bèl apèl, La patri an danje, Soperiye, Mèsi bokou et Bad Gyal. Les deux autres morceaux de l’album, Pridan et Jou dega, ainsi que toute autre production du chanteur, ne sont pas pris en compte.