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Un rapport accablant soumis au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies révèle comment les politiques d'immigration américaines récentes ont créé une crise humanitaire pour les demandeurs d'asile haïtiens bloqués au Mexique.
Le document, présenté par le Haiti Justice Partnership et plusieurs organisations de défense des droits humains, dénonce la stratégie d'externalisation des frontières mise en œuvre par les États-Unis depuis janvier 2025 et ses conséquences dévastatrices sur les migrants noirs, particulièrement les Haïtiens.
Une fermeture brutale des voies légales d'immigration
Dès son investiture le 20 janvier 2025, le président Donald Trump a signé une proclamation intitulée « Garantir la protection des États contre l'invasion » ainsi que l'ordre exécutif 14165 « Sécuriser nos frontières ». Ces mesures ont suspendu le traitement des demandes d'asile à la frontière sud et mis fin au système de rendez-vous CBP One, qui était jusqu'alors le principal moyen d'accès légal au territoire américain pour les demandeurs d'asile.
« La fermeture du système de rendez-vous CBP One a laissé les Haïtiens dans les limbes, et le processus leur a coûté la majeure partie de leur argent, parfois des milliers de dollars », indique le rapport.
Selon une enquête menée par Al Otro Lado auprès de migrants haïtiens à Mexico, 81% des répondants s'étaient inscrits à l'application CBP One, mais 57% n'ont jamais pu obtenir de rendez-vous. Plus grave encore, 24% avaient un rendez-vous qui a été annulé le 20 janvier 2025.
Un système d'externalisation des frontières
Le rapport explique comment les États-Unis ont déplacé leur contrôle migratoire vers le Mexique, une stratégie que les experts qualifient d' « externalisation des frontières » – une pratique où les États tentent d'appliquer leurs politiques d'immigration « dans des lieux au-delà de leurs frontières territoriales pour entraver, dissuader ou empêcher l'arrivée de réfugiés, demandeurs d'asile et autres migrants. »
Depuis février 2025, l'administration Trump utilise la menace de tarifs douaniers contre le Mexique comme moyen de pression pour forcer les autorités mexicaines à empêcher les migrants d'atteindre la frontière américaine. Cette stratégie a particulièrement touché les Haïtiens, déjà victimes de discrimination au Mexique.
Discrimination raciale systémique
Le rapport met en lumière comment les migrants noirs, et particulièrement les Haïtiens, subissent des discriminations spécifiques. Au Mexique, ils font face à des obstacles considérables pour accéder au logement, à l'emploi et aux soins médicaux.
« Tous les Haïtiens avec qui nous avons parlé ont déclaré que l'obtention d'un permis de travail peut prendre plusieurs mois, parfois plus d'un an, s'ils peuvent en obtenir un », note le document.
Des témoignages recueillis révèlent des situations dramatiques. Une femme haïtienne, Justine, payait 700 pesos mexicains par mois de loyer, tandis que ses voisins vénézuéliens payaient 200 pesos pour le même appartement. Un autre migrant, Lance, a expliqué que sa femme diabétique a failli mourir parce que les médecins refusaient de la soigner sans papiers d'immigration.
Des décisions politiques à motivation raciale
Le rapport met également en cause les motivations des politiques américaines actuelles. Il rappelle qu'en octobre 2024, alors candidats, le président Trump et le vice-président Vance ont fait des déclarations racistes non fondées sur les immigrés haïtiens, les accusant de voler et manger des animaux domestiques à Springfield, Ohio. Ces allégations ont déclenché des menaces de bombes et des menaces de tireurs actifs dans toute la ville.
En février 2025, le Département américain de la Sécurité intérieure a raccourci la période de validité du Statut de protection temporaire (TPS) pour Haïti de six mois et a mis fin à la précédente redésignation du TPS. Le mois suivant, l'administration a mis fin au programme de libération conditionnelle humanitaire pour les Cubains, Haïtiens, Nicaraguayens et Vénézuéliens (CHNV).
Des recommandations urgentes
Face à cette situation, le rapport formule quatre recommandations principales :
- Restaurer l'accès à l'asile et réinstaurer un traitement rapide des demandes à la frontière américano-mexicaine
- Mettre fin aux politiques d'externalisation des frontières qui forcent les migrants à rester au Mexique
- Renforcer les protections contre le refoulement, principe qui interdit le renvoi de personnes vers des pays où elles risquent la persécution ou la torture
- Travailler en collaboration avec le Mexique pour améliorer l'accès des migrants haïtiens à la documentation légale, au logement, aux soins médicaux et à la protection contre la violence
« En fermant la frontière aux demandeurs d'asile et en bloquant les migrants noirs au Mexique, où ils sont confrontés à la discrimination et à des préjudices ciblés, les États-Unis aggravent la violation du droit des migrants à être libres de toute discrimination raciale », conclut le rapport.
Cette crise met en lumière un système complexe de violations des droits humains qui s'étend bien au-delà des frontières américaines, affectant des milliers de vies dans l'ensemble de la région.