Aller au contenu

ISTEAH : Dix ans d'innovation et d'excellence au service d'une Haïti nouvelle

ISTEAH célèbre 10 ans d’innovation éducative au service d’Haïti, formant une élite scientifique engagée et décentralisée.

Table des matières

En 2023, l’Institut des Sciences, des Technologies et des Études Avancées d’Haïti (ISTEAH) a célébré ses dix ans d’existence. Une décennie riche en défis, en accomplissements et en engagement indéfectible au service du pays. À cette occasion, la revue Haïti Perspectives lui consacre un numéro spécial (hiver 2025), saluant une trajectoire exceptionnelle dans le paysage universitaire haïtien.

L’ISTEAH n’est pas une université comme les autres. Née du Groupe de Réflexion et d’Action pour une Haïti Nouvelle (GRAHN), un collectif d’intellectuels et de professionnels mobilisés après le séisme dévastateur de 2010, l’institution porte dès sa fondation une ambition profonde : reconstruire Haïti non seulement en infrastructures, mais aussi en esprits, en compétences, en projets.

Cet article revient sur l’histoire de cette initiative audacieuse, son modèle universitaire original, ses réalisations majeures et le rôle qu’elle joue dans la construction d’une élite haïtienne ancrée, compétente et visionnaire.

Genèse et vision : répondre aux défis haïtiens

Le 14 janvier 2013, dans la foulée du séisme de 2010, naît officiellement l’ISTEAH. C’est le fruit d’une conviction forgée dans l’urgence et la lucidité : pour espérer une transformation réelle et durable, Haïti doit investir massivement dans l’intelligence collective, dans la formation de cadres supérieurs, et dans la recherche. Le GRAHN, fondé en 2010, en est le catalyseur. Regroupant des Haïtiens de la diaspora et de l’intérieur, ce groupe refuse de regarder le pays s’effondrer en silence. Il propose une autre voie : celle d’une "Haïti nouvelle", portée par une élite formée localement.

Le diagnostic est sans appel : Haïti est le pays qui exporte le plus ses cerveaux dans le monde. Environ 84 % des Haïtiens diplômés du supérieur vivent à l’étranger. Un chiffre accablant, symbole d’un système incapable de retenir ses talents. L’ISTEAH est donc pensée comme une réponse structurelle à cette hémorragie. Il ne s’agit pas seulement de former des chercheurs, mais de les former ici, dans le pays, pour qu’ils y restent, y innovent et y contribuent.

Sa mission est claire : former des professionnels de haut niveau capables de servir leur communauté, tout en renforçant les capacités des universités haïtiennes, en particulier celles implantées dans les régions souvent négligées. Une démarche qui incarne la devise de l’ISTEAH : « L’excellence au service du bien commun. » Loin d’une vision élitiste déconnectée, il s’agit de former des scientifiques, des enseignants, des praticiens intègres, compétents et profondément engagés pour Haïti.

Un modèle universitaire innovant et adapté

Ce qui distingue l’ISTEAH, dès ses débuts, c’est l’ingéniosité de son modèle pédagogique hybride, parfaitement adapté aux contraintes du contexte haïtien. Loin de calquer des schémas étrangers, l’institution a misé sur une combinaison intelligente de présentiel et de distanciel, permettant d’accueillir des professeurs de haut niveau répartis dans la diaspora et dans le monde. Grâce aux technologies numériques, des cours de doctorat sont dispensés à distance tout en gardant un ancrage local fort, avec des rencontres régulières, des séminaires et des stages. Ce modèle souple mais exigeant a permis à de nombreux étudiants de poursuivre leur formation sans quitter leur région ni abandonner leur emploi.

Cette logique s’inscrit dans une volonté affirmée de décentralisation et d’équité territoriale. L’ISTEAH est présente dans neuf des dix départements d’Haïti, du Grand Nord au Sud profond, brisant ainsi la centralisation traditionnelle autour de Port-au-Prince. Ce maillage territorial réduit la migration interne, renforce les ancrages locaux et contribue à réhabiliter l’idée qu’on peut réussir sans partir.

Autre singularité : le choix stratégique de se concentrer sur les cycles supérieurs. L’ISTEAH s’est donné pour mission de former des formateurs, des enseignants-chercheurs et des experts capables de renforcer l’ensemble du système universitaire haïtien. Des centres de recherche, une Chaire UNESCO « Femmes et Sciences », et des projets de recherche structurants sont venus compléter cette ambition. À travers cette orientation, l’institution investit dans la fabrique même de la pensée, de la solution, et de l’innovation au service d’Haïti.

Dix ans d'impact : bilan quantitatif et qualitatif

Dix années après sa fondation, l’ISTEAH peut déjà revendiquer un bilan impressionnant, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Loin d’être une utopie académique, l’institution a formé près de 300 diplômés aux cycles supérieurs, épaulés par plus de 200 professeurs internationaux. Elle accueille aujourd’hui plus de 600 étudiants en doctorat, maîtrise ou DESS, ainsi qu’environ 150 inscrits au premier cycle. Répartis dans sept écoles facultaires, ses programmes couvrent plus de 40 spécialités, menant à plus de 100 grades académiques. Ce rayonnement disciplinaire reflète une volonté affirmée de répondre aux besoins concrets d’une société en quête de transformation.

Mais au-delà des chiffres, c’est l’impact humain et structurel qui marque les esprits. L’ISTEAH a su constituer un réseau de professionnels de haut niveau, présents dans les ministères, les rectorats, les universités ou au sein d’initiatives citoyennes à travers le pays. Elle est aussi la première institution haïtienne à démocratiser l’accès aux cycles supérieurs dans presque toutes les régions, bousculant les logiques centralisatrices de l’enseignement supérieur.

Certaines trajectoires en témoignent avec force. Jacques Abraham a mis à profit sa formation doctorale pour interroger la ségrégation scolaire et les mécanismes de reproduction des inégalités éducatives. Jean Judson Joseph, de son côté, a exploré les conditions d’intégration des technologies numériques dans l’enseignement universitaire, en soulignant les résistances sociales à l’innovation pédagogique.

Dans leurs récits, une constante émerge : la valeur ajoutée de l’ISTEAH, qu’ils associent à une rigueur méthodologique, une ouverture intellectuelle et un ancrage profond dans les réalités haïtiennes. Pour eux, cette formation n’est pas une fin en soi, mais un tremplin vers un engagement éclairé au service du pays.

ISTEAH 2.0 : Se projeter vers l’avenir

Dix ans après ses débuts, l’ISTEAH ne compte pas ralentir le rythme. Bien au contraire, l’institution entre aujourd’hui dans une nouvelle phase qu’elle nomme « ISTEAH 2.0 » — une période de consolidation des acquis, mais aussi d’élargissement stratégique. L’objectif ? Passer d’un projet universitaire audacieux à une force structurante dans l’écosystème du développement haïtien.

Cette vision repose sur trois piliers complémentaires. Le premier est celui de l’Université technologique, avec l’ambition d’intégrer les technologies émergentes, de promouvoir des pratiques comme la télémédecine, et de renforcer les capacités scientifiques liées à l’innovation numérique. Le deuxième pilier est l’Université internationale, qui vise à intensifier les partenariats avec des universités du Nord et du Sud, favoriser la mobilité étudiante, et inscrire la recherche haïtienne dans les grands réseaux mondiaux. Enfin, le troisième pilier est celui de l’Université entrepreneuriale, incarné par le Pôle d’Innovation du Grand Nord (PIGraN), un projet phare pour stimuler l’économie locale par la création d’entreprises et d’emplois.

Tout cela reste aligné avec la vision fondatrice du GRAHN : contribuer à bâtir une Haïti nouvelle, fondée sur le savoir, la justice sociale, la durabilité, l’éthique démocratique et l’égalité des chances.

Tracer une voie d’espoir

Dix années après sa création, l’ISTEAH s’impose comme une réussite singulière dans le paysage universitaire haïtien. À travers son modèle pédagogique original, son ancrage territorial étendu et son exigence scientifique, elle a su démontrer qu’une autre université est possible en Haïti : exigeante, inclusive, utile.

Loin des discours abstraits, l’institution agit pour former une élite compétente, patriote et responsable, capable de relever les défis multiples du pays. Elle offre aux jeunes chercheurs une formation ancrée dans la réalité et tournée vers l’avenir, dans un esprit de service.

En dépit des obstacles, l’ISTEAH continue de tracer une voie d’espoir. Elle incarne l’idée qu’un enseignement supérieur rigoureux, enraciné et transformateur peut être l’un des leviers les plus puissants pour faire émerger, enfin, une Haïti nouvelle.

commentaires

Dernières nouvelles