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Solidarité migrante haïtienne en République dominicaine

Les réseaux de migrants haïtiens jouent un rôle vital d’adaptation en République dominicaine face à l’hostilité institutionnelle persistante.

Table des matières

Le flux migratoire important des Haïtiens vers la République dominicaine remonte à plusieurs décennies. En effet, la majorité d’entre eux est arrivée durant les années où un grand nombre de travailleurs haïtiens ont été embauchés dans l’industrie de la canne à sucre. Toutefois, à partir des années 1980, ce secteur d’activité a progressivement cédé la place à d’autres domaines tels que l’agriculture, la construction, le tourisme, l’hôtellerie, ainsi que les ateliers de fabrication et de transformation de produits, entraînant une augmentation du nombre de migrants haïtiens en territoire dominicain.

Ces traversées, souvent réalisées de manière illégale — c’est-à-dire selon la pratique dite anba fil, sous les barbelés — sont généralement influencées par les réseaux de migrants, considérés comme des acteurs sociaux à part entière : familles, amis ou connaissances. Ces derniers jouent un rôle central dans les dynamiques relationnelles qui jalonnent les différentes étapes de la migration des Haïtiens vers la République dominicaine. D’où l’importance d’un regard attentif sur la notion de réseau, une approche clé en matière de recherches migratoires, permettant de mettre en évidence les liens sociaux unissant des individus du pays d’origine et/ou du pays d’accueil, et pouvant s’étendre à la fois localement et à l’échelle transnationale.

L’approche par les réseaux permet ainsi de prendre en compte les influences exercées sur les nouveaux arrivants. Dès qu’une personne entre dans le processus migratoire, ces réseaux deviennent un levier déterminant pour faciliter son installation dans une société marquée par de nombreuses différences, qu’elles soient liées au mode de vie, aux coutumes, à la langue, ou à d’autres aspects culturels.

En effet, cette approche est particulièrement pertinente dans le contexte migratoire des Haïtiens vers la République dominicaine. Les réseaux de migrants représentent également des liens de solidarité entre individus, puisque la majorité des migrantes et migrants haïtiens s’installent généralement chez un ami ou un membre de leur famille vivant déjà en territoire dominicain.

L’importance accordée à l’influence de ces réseaux est confirmée par l’analyse des enquêtes que nous avons menées auprès de personnes vivant dans les zones avoisinantes de la frontière haïtiano-dominicaine à Ouanaminthe, notamment à Savane au Lait, Savane Longue, Acul des Pins, Maquette et Haut Maribaroux. Ces enquêtes portaient sur les effets des réseaux de migrants sur les personnes nouvellement installées en République dominicaine.

Les résultats montrent clairement le degré d’influence des réseaux de migrants haïtiens sur les nouveaux arrivants, notamment en ce qui concerne le choix des activités économiques. Les migrantes haïtiennes en République dominicaine exercent souvent les mêmes activités que celles qui les ont accueillies, afin de subvenir à leurs besoins, et ce, malgré les compétences dont elles disposent. Le plus souvent, ce choix n’est pas volontaire, mais résulte de la pression des réseaux.

Ainsi, même si ces jeunes femmes aspirent à poursuivre des études universitaires en République dominicaine, ou disposent de compétences en cosmétologie, manucure, pâtisserie ou décoration, elles n’ont souvent d’autre choix que de pratiquer les mêmes activités que celles avec qui elles cohabitent. Par exemple, dans la localité d’Acul des Pins, les migrantes travaillent généralement dans les cassaveries — graje manyok ; celles de Savane au Lait œuvrent dans les plantations de tomates — keyi tomat ; tandis que les femmes de Savane Longue s’engagent principalement dans le petit commerce transfrontalier, en vendant des pistaches ou d’autres produits de leurs récoltes.

En revanche, si les réseaux influencent fortement les femmes dans le choix de leurs activités, ce n’est pas tout à fait le cas pour les hommes. Ces derniers ont tendance à exercer des métiers correspondant à leurs compétences personnelles, notamment dans la construction, le carrelage, l’agriculture ou l’élevage.

Tout compte fait, les réseaux des migrants haïtiens en République dominicaine constituent également une forme de solidarité de première nécessité. Ils contribuent à la socialisation et à l’adaptation des migrants dans ce nouvel espace, car le fait de vivre en réseau facilite le processus d’adaptation et d’intégration, en particulier en République dominicaine, où les autorités se montrent constamment hostiles à l’égard des migrants haïtiens.

Texte rédigé par Mika-Christ-Laura Joseph, stagiaire dans le cadre du projet binational PNUD-UEH-Haïti.

Mika-Christ-Laura Joseph est étudiante en travail social au Campus Henry Christophe de Limonade (UEH). Engagée dans des actions communautaires, elle a mené plusieurs interventions sociales en milieu rural et urbain, notamment sur la prévention des maladies, la sensibilisation à la violence basée sur le genre, et l’hygiène publique. Elle s’intéresse particulièrement aux dynamiques migratoires et à la solidarité communautaire, dans le cadre de son stage au projet binational PNUD–UEH–Haïti.

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