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C'était un jour banal, normal comme les autres, le soleil se levait sur Port-au-Prince, la terre tournait, et les coqs chantaient. Michelle, directrice d'école et mère de deux filles, Sonia et Adeline, vivait une routine paisible à Carrefour-Feuilles. Son mari, Moïse, agronome, partageait son quotidien. Mais ce 12 janvier 2010, tout bascula.
« Je ne savais pas que la vie, le bonheur étaient si éphémères. »
À 16 h 53, un tremblement de terre d'une magnitude de 7 à 7,3 frappa Haïti, avec son épicentre près de Port-au-Prince. En moins de 30 secondes, des milliers de vies furent anéanties et des millions de personnes se retrouvèrent sans abri. Michelle perdit tragiquement sa famille dans cette catastrophe : ses deux filles et son mari furent emportés par les décombres de leur maison. L'école qu'elle dirigeait s'effondra également, laissant derrière elle des souvenirs douloureux. « Je ne savais pas que la vie, le bonheur étaient si éphémères », dit-elle d'un ton résigné. Nous l'avons rencontrée dans les ruines de sa maison à Carrefour-Feuilles, le visage fatigué, les yeux à peine ouverts, un sourire léger avec un calme extraordinaire ; elle nous souhaite la bienvenue dans la Maison des Moïse. « Tu sais, les souvenirs sont tantôt bonheur, tantôt cauchemar », me dit-elle, d'une voix grave. Les gens de son entourage, qui connaissent le drame de sa vie, la pensent folle. Maxomi, un ancien ami de son mari : « Sérieusement, personne ne peut vivre un tel drame et rester solide dans sa vie », dit-il. « Michelle n'est plus la femme qu'elle était avant le 12 janvier, elle n'arrive toujours pas à accepter la perte de sa famille, la vie est une saloperie quand on regarde de près », renchérit Carole, une voisine de longue date.
« Tu sais, les souvenirs sont tantôt bonheur, tantôt cauchemar. »
Dix ans après cette tragédie, Michelle avait tenté de reconstruire sa vie sur les ruines de son ancienne maison. Elle érigea une chambre où elle conservait des souvenirs de sa famille disparue : des photos jaunies, des jouets d'enfance et des lettres. Chaque objet était une pièce du puzzle de son passé heureux, mais aussi un rappel constant de sa perte. Malgré ses efforts pour avancer, la douleur demeurait omniprésente. À 42 ans, elle était devenue une femme pétrie de douleur, mature mais meurtrie par des souvenirs immortels.
Le 12 août 2023, la guerre des gangs à Port-au-Prince força Michelle à abandonner sa maison, sa vie, ses morceaux de murs de béton remplis de souvenirs à Carrefour-Feuilles. La violence la contraignit à fuir, elle erra dans les rues de Port-au-Prince avec ses sacs contenant les vestiges d'une vie qu'elle ne pouvait oublier. Les souvenirs de Sonia et Adeline, de son mari, de ses anciens élèves et collègues de travail l'accompagnaient partout où elle allait, transformant chaque coin de Port-au-Prince en un tableau vivant de son passé.
Michelle incarne le combat quotidien pour survivre à la douleur et à la perte. Sa vie est un témoignage poignant des conséquences durables du séisme de 2010 sur la mémoire et des luttes qui continuent à affecter Haïti. Malgré les défis incessants et les bouleversements que la vie lui a infligés, elle reste déterminée à honorer la mémoire de sa famille tout en cherchant un semblant de paix dans un environnement chaotique.