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La cassave, symbole d’un héritage partagé et d’une unité culturelle, trouve sa place sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l’UNESCO
Une reconnaissance internationale pour un savoir ancestral
La cassave, galette emblématique de manioc, transcende les frontières et les cultures. Ce 4 décembre 2024, lors de la 19e session du Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel tenue à Asunción, Paraguay, les savoir-faire et pratiques traditionnels liés à sa production et consommation ont été inscrits sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Ce succès est le fruit d’un effort multinational associant Cuba, la République dominicaine, Haïti, le Honduras et le Venezuela.
Cette reconnaissance souligne non seulement l’importance de la cassave comme aliment de base, mais aussi son rôle culturel et social. Plus qu’un simple pain, la cassave est une passerelle entre les générations et une clé de l’identité autochtone et africaine des communautés concernées.
Un processus minutieux et collaboratif
L’inscription de la cassave résulte d’une coordination rigoureuse entre les pays participants. Chaque État a fourni des documents détaillés, incluant les consentements des communautés concernées et des inventaires nationaux du patrimoine culturel immatériel. En Haïti, ces démarches ont mobilisé des acteurs comme le Ministère de la Culture et de la Communication (MCC), l’Université d’État d’Haïti, et la Commission nationale haïtienne de coopération avec l’UNESCO. Les consentements communautaires, rédigés en français, créole haïtien et espagnol, illustrent l’effort inclusif mené pour représenter toutes les voix.
La cassave, classée dans le Registre du Patrimoine Culturel Immatériel d’Haïti depuis 2021, symbolise également un patrimoine partagé au-delà des frontières. Ce projet reflète l’harmonie entre les pratiques locales, tout en valorisant la diversité culturelle propre à chaque pays.
De la fabrication à la table : un art intemporel
Fabriquée principalement à partir de la variété amère du manioc, la cassave se distingue par sa polyvalence. Selon les pays, elle peut être salée ou sucrée, molle ou dure, grande ou petite. Le processus de fabrication débute par l’épluchage et le râpage du manioc, avant d’être transformé en une pâte cuite sur des plaques chauffées, souvent au feu de bois.
Si ce savoir-faire est traditionnellement transmis de manière informelle au sein des familles et des communautés, les médias et instituts culinaires jouent également un rôle dans sa préservation. Au-delà de ses qualités nutritives, la cassave incarne un lien vivant avec le passé, rappelant les héritages autochtones et africains des peuples qui l’ont façonnée.
Un levier d’unité et de tolérance
La cassave n’est pas seulement un aliment ; elle est un vecteur de tolérance et d’unité. Chaque communauté valorise ses propres pratiques tout en reconnaissant celles des autres. Ce dialogue culturel, inscrit dans un aliment simple mais universel, favorise l’échange et le respect mutuel.
Dans un monde marqué par des divisions croissantes, la reconnaissance de la cassave par l’UNESCO envoie un message fort : les traditions culinaires locales peuvent rapprocher les peuples. Cette inscription témoigne également de la capacité des nations à collaborer pour préserver un patrimoine commun, malgré leurs différences.
Un avenir à pétrir : défis et opportunités
L’inscription de la cassave sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité représente un honneur, mais aussi une responsabilité. Pour les pays concernés, il s’agit de traduire cette reconnaissance en initiatives concrètes : formations pour les jeunes, protection des savoir-faire locaux, et création de filières économiques durables.
En Haïti, la cassave pourrait devenir un atout clé pour le développement économique et le tourisme culturel. À travers des festivals, des ateliers ou des circuits gastronomiques, elle pourrait contribuer à valoriser les communautés rurales et à renforcer leur résilience face aux défis actuels.
Un patrimoine vivant à préserver
L’inscription de la cassave sur la Liste représentative de l’UNESCO est une victoire pour les peuples qui la produisent et la consomment depuis des siècles. Mais cette victoire ne doit pas conduire à un relâchement des efforts. Protéger un patrimoine, c’est investir dans l’avenir. La cassave, en tant que symbole d’unité culturelle et de résilience, est un pain à partager et une mémoire à préserver.
Alors que les communautés des cinq pays célèbrent cette reconnaissance, la véritable question est : comment transformer ce succès en un moteur de développement durable ? Une chose est sûre, la cassave, simple et riche à la fois, continuera de nourrir bien plus que les corps – elle nourrira aussi les esprits et les âmes.