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Vieillir à Port-au-Prince : faire de la vieillesse une question sociale

Relecture critique de l'essai de Suzanne Comhaire-Sylvain, Vieillir à Port-au-Prince (1975)[1]

Suzanne Comhaire-Sylvain D.R. / photo d’archives, CIDIHCA

Table des matières

« L'oubli de la fragilité est le prélude de la catastrophe. » (Chrétien, 2017, p. 70)

Introduction

Ce texte met en avant la contribution essentielle de l'intellectuelle haïtienne Suzanne Comhaire-Sylvain à l'étude de la population et de la démographie en Haïti. Elle figure parmi les premiers intellectuel·le·s à avoir accordé une attention particulière à l'âge des individus en tant qu'objet d'enquête. Partant d'une approche empirique et analytique, Vieillir à Port-au-Prince traite du vieillissement en tant que fait social dans la capitale haïtienne à la fin du XXᵉ siècle. Ce travail revêt une importance particulière, car l'État haïtien ne commence à se soucier de la population qu'un siècle après l'indépendance du pays. Ce n'est qu'au cours des années 1950 que les autorités nationales ont effectué le premier recensement général de la population. À cette époque, on estimait la population nationale à 119 000 habitants, dont 50 000 hommes et 69 000 femmes (Henry, 1953).

Avant de se pencher sur la vieillesse, Suzanne Comhaire-Sylvain s'était intéressée aux loisirs des écolières haïtiennes (1940). Ce choix de sujet, rarement étudié à l'époque, témoigne de la volonté de l'autrice d'explorer la vie quotidienne des jeunes filles sous un angle novateur et féministe, à une période où ces questions étaient absentes des sciences sociales haïtiennes. En portant son attention sur les loisirs des filles, elle met en lumière les pratiques culturelles et sociales, la structuration du temps libre, ainsi que le rôle des institutions éducatives et familiales dans la formation des jeunes générations, en tenant compte des rapports sociaux de classe et de sexe.

Dans un contexte où l'éducation des filles constituait encore un enjeu social et politique, notamment pour les féministes de la Ligue Féminine d'Action Sociale, cette recherche offre un éclairage sur leur accès aux espaces de loisirs, leur autonomie et les rapports sociaux de sexe au sein de la jeunesse haïtienne. Ce travail précurseur conjugue les perspectives démographique, anthropologique et sociologique, offrant une analyse nuancée des réalités féminines dès l'enfance.

Par ailleurs, en 1959, Suzanne Comhaire-Sylvain et Jean Comhaire ont exploré la question de l'état civil en Haïti dans leur ouvrage Naissance, mort, état civil à Kenscoff-Haïti. Ce sujet revêt une importance capitale pour comprendre la relation entre l'individu et l'État : l'enregistrement des naissances et des décès constitue un indicateur clé du fonctionnement administratif, de l'inclusion sociale et de la reconnaissance légale des citoyen·ne·s. En soulevant ces problèmes, les auteurs ont mis en évidence des enjeux de population toujours d'actualité aujourd'hui. À travers ses différents travaux, Suzanne Comhaire-Sylvain a contribué à faire de l'étude de la population en Haïti une discipline à part entière. Ses recherches ne se limitaient pas à une simple analyse statistique, mais cherchaient à expliquer les dynamiques sociales sous-jacentes aux tendances démographiques.

Son approche mêle plusieurs regards disciplinaires : la sociologie, pour analyser les comportements sociaux et culturels liés aux âges de la vie ; l'anthropologie, en explorant les pratiques et traditions affectant la population (comme l'enregistrement des naissances ou les loisirs des jeunes filles) ; et la démographie, pour fournir une compréhension statistique des transformations de la société haïtienne. Cette combinaison fait d'elle une pionnière dans l'analyse populationnelle, et son travail ouvre la voie à des réflexions contemporaines sur les politiques publiques, les structures familiales et les dynamiques sociales du pays.

Vieillir à Port-au-Prince met en lumière l'importance des âges de la vie en tant que catégorie d'analyse socio-démographique. Selon Van de Velde (2015), les âges de la vie se conçoivent comme une succession de temporalités (enfance, jeunesse, vieillesse) structurant l'existence d'un individu. Ces temporalités ne sont pas uniquement biologiques, mais également sociales et symboliques : elles segmentent la société en catégories d'âge influençant les rôles sociaux et les trajectoires individuelles. Cette perspective permet non seulement de catégoriser la population selon des groupes d'âge, mais aussi d'éclairer les transitions biographiques et leurs implications socio-politiques. Elle ouvre ainsi la voie à une réflexion approfondie sur les dimensions sociales, économiques et politiques des âges de la vie en Haïti.

Cette approche s'inscrit dans la lignée des travaux des sociologues de l'École de Chicago, qui ont fait de cette ville un terrain privilégié pour l'étude des catégories sociales. En outre, tout comme les chercheurs de l'École de Chicago ont étudié la ville comme laboratoire social, Comhaire-Sylvain a exploré Port-au-Prince sous l'angle des inégalités sociales, sans perdre de vue les mobilités des individus. Le point culminant de cette recherche concerne l'analyse de la manière dont l'âge, le sexe et les activités économiques influencent l'inscription des individus dans les processus sociaux (Comhaire-Sylvain & Comhaire-Sylvain, 1959b).

Le présent article porte sur Vieillir à Port-au-Prince (1975)[2], un ouvrage qui demeure particulièrement pertinent dans le contexte actuel. Ce travail met en lumière plusieurs enjeux cruciaux liés à la vieillesse en Haïti, notamment : la précarité des personnes âgées, en raison de l'absence de protection sociale ; les liens intergénérationnels, avec un système de solidarité basé sur la famille plutôt que sur des dispositifs institutionnels ; le chômage et la retraite, deux problématiques affectant directement les conditions de vie des seniors.

Ce texte revêt une importance particulière, car ces problématiques demeurent largement absentes du débat public en Haïti. Pourtant, elles sont essentielles pour appréhender les défis liés à l'augmentation de l'espérance de vie et ses implications socio-économiques. En soulignant ces questions dès 1975, Comhaire-Sylvain a posé les bases d'une réflexion essentielle sur la vieillesse.

Partant de là, pour présenter l'ouvrage au public, j'envisage de montrer dans un premier temps sa démarche méthodologique pour construire la vieillesse en tant que fait de société. Deuxièmement, j'examinerai la manière dont la vieillesse est construite en tant qu'enjeu social dans une réalité où la question de la retraite est absente. Je terminerai le texte en produisant un commentaire critique portant tant sur sa démarche que sur son angle de problématisation.

La vieillesse, un fait social à construire

L'éloignement géographique de Comhaire-Sylvain, qui ne se trouvait pas en Haïti lors de la collecte des données et de la rédaction de son ouvrage, soulève une question importante sur les conditions de production de la recherche. Son travail repose sur une collaboration étroite avec le Dr Romain[3], alors doyen de la Faculté d'Ethnologie de l'Université de Port-au-Prince, ainsi qu'avec une équipe d'étudiants en lettres et en médecine chargés de collecter les données sur le terrain. Cette configuration méthodologique mérite une attention particulière, car elle illustre une recherche menée entièrement à distance, avec un ancrage local assuré par des intermédiaires académiques et son réseau intellectuel ayant un accès direct au terrain

Le principal atout de cette méthodologie réside dans le fait que les enquêteur·rice·s bénéficient d'un accès direct au terrain et d'une connaissance locale approfondie, ce qui permet de limiter les biais d'interprétation.

L'autre point fort de cette méthodologie est la multiplication des sources de données pour assurer une analyse plus complète de la vieillesse en Haïti. Elle ne se contente pas d'un seul canal d'information, mais mobilise plusieurs acteurs. Outre les étudiant·e·s, Comhaire-Sylvain utilise l'expertise de sa sœur Jeanne Sylvain[4], professeure de sciences sociales, qui a collecté des statistiques sur les pensions de vieillesse. Ce choix complexifie la recherche en y apportant une dimension quantitative et administrative. Par ailleurs, elle a mobilisé les services de Madeleine Paillère [5], directrice d'établissement scolaire, qui a organisé des discussions avec des personnes âgées et interrogé ses élèves sur leur perception de la vieillesse. Cette démarche permet de capturer les représentations sociales de la vieillesse, non seulement du point de vue des personnes concernées, mais aussi des générations plus jeunes. Enfin, les notes propres de l'autrice accumulées sur plusieurs années ont enrichi l'étude d'une perspective longitudinale, ajoutant une profondeur historique et une continuité analytique au travail.

Aussi, l'essai repose sur un croisement de données : quantitatives (statistiques sur les pensions, bien que limitées en raison du faible nombre de bénéficiaires en Haïti), qualitatives (entretiens, discussions et notes ethnographiques) et comparatives (perceptions de la vieillesse selon différentes catégories d'acteurs : personnes âgées elles-mêmes, étudiants, enseignants). Cette combinaison confère à l'essai une richesse analytique précieuse, permettant d'explorer la vieillesse sous plusieurs angles complémentaires (économique, social, générationnel).

Couplé avec ces choix, l'utilisation d'un questionnaire préparé par Comhaire-Sylvain et administré par les étudiant·e·s est un choix méthodologique puissant qui vise à structurer la collecte d'informations autour de questions précises : « Quand commence la vieillesse ? À quel âge aperçoit-on qu'une personne n'est plus jeune ? À quel âge dit-on d'une personne qu'elle est vieille ? » Ces questions montrent une volonté de l'autrice de comprendre la vieillesse comme une construction sociale et culturelle, plutôt que comme une simple donnée biologique. Cette approche construit la vieillesse comme un objet d'étude scientifique.

Le design de la recherche montre une distinction innovante entre la vieillesse en tant que réalité biologique et la vieillesse comme construction sociale influençant la place et le statut social des individus. Si dans certaines sociétés, le fait est appréhendé à partir d'un seuil chronologique, dans d'autres, il est associé à des signes visibles (tels que : cheveux gris, perte de force, etc.). Cette nuance est d'autant plus importante que l'absence de système de retraite dans le contexte haïtien, et la nécessité de travailler longtemps, peut fortement influencer ces perceptions. De plus, l'étude met en évidence le lien entre la vieillesse et les rapports sociaux. Par exemple, la vieillesse pourrait être perçue différemment pour les hommes et les femmes, notamment en raison des rôles sociaux et familiaux ; une personne vivant dans la précarité peut être perçue comme « vieille » plus tôt qu'une personne issue d'un milieu favorisé. L'apport de Comhaire-Sylvain est ici essentiel : elle fait l'hypothèse que la vieillesse est avant tout façonnée par les représentations collectives et les structures sociales.

Malgré ces points forts et apports, Comhaire-Sylvain est lucide sur les limites de son échantillon, qu'elle décrit comme partiel et non représentatif. L'échantillon se compose majoritairement d'individus issus de la petite bourgeoisie et des « moyens-bourgeois », avec quelques représentants des classes populaires. Ce déséquilibre pose plusieurs problèmes méthodologiques. Premièrement, les réalités économiques et sociales des classes populaires sont sous-représentées, alors que c'est dans ces milieux que la vieillesse est souvent la plus précaire. L'étude suggère une sous-représentation des travailleurs du secteur informel, qui constituent pourtant une part essentielle de la population des travailleurs en Haïti.

Deuxièmement, la priorisation de l'angle urbain, bien qu'étant un point de force, ne permet pas de saisir les réalités du vieillissement en milieu rural, où d'autres perceptions du phénomène prévalent. En effet, les dynamiques rurales de la vieillesse étaient peut-être à l'époque moins individualisées et plus intégrées à la vie collective. Cela signifie que les conclusions de l'étude doivent être interprétées comme des tendances plutôt que comme une photographie générale du vieillissement en Haïti au moment de l'enquête.

Aussi, la recherche axée sur la médiation par des tiers n'est pas sans limite. Deux questions s'imposent : dans quelle mesure les étudiants ont-ils influencé les réponses des enquêtés ? Comment Comhaire-Sylvain a-t-elle contrôlé la fiabilité des données collectées par rapport à son cadre d'analyse initial ?

Ces questions révèlent aussi que le questionnaire fourni par l'autrice est avant tout centré sur les représentations sociales du vieillissement dans la capitale haïtienne. Sachant que l'échantillon retenu joue un rôle fondamental dans cette conceptualisation, examinons maintenant comment cet échantillon a été constitué et comment il influence la construction de la vieillesse en tant qu'objet scientifique.

De l'échantillon de l'étude

L'échantillon de 195 personnes, structuré par âge, permet d'analyser les perceptions et expériences du vieillissement selon différentes générations. Cette segmentation en quatre groupes (jeunes adultes, adultes d'âge intermédiaire, pré-seniors et seniors avancés) reflète un effort méthodologique pour saisir l'évolution des représentations de la vieillesse au fil du temps. Le tableau qui suit montre la manière dont l'autrice a organisé son échantillon.

Tableau 1 - Présentation de l'échantillonnage de l'essai

Groupe Âge Hommes Femmes Total % de l’échantillon
Groupe 1 18-29 ans 52 30 82 42%
Groupe 2 30-49 ans 23 9 32 16%
Groupe 3 50-74 ans 38 21 59 30%
Groupe 4 75-89 ans 8 14 22 11%
Total 121 74 195 100%

L'échantillon est composé à près de 42 % de jeunes adultes (18-29 ans), alors que le groupe concerné par l'étude (75-89 ans) ne représente que 11 %. Ce déséquilibre suggère que la perception de la vieillesse repose en grande partie sur ce que les jeunes en pensent, plutôt que sur les expériences vécues des personnes âgées. Ce déséquilibre confirme que l'étude est davantage centrée sur la conception du fait social.

L'échantillon comporte une majorité d'hommes (121) par rapport aux femmes (74). Dans le dernier groupe d'âge (75-89 ans), on trouve plus de femmes que d'hommes (14 contre 8), ce qui reflète entre autres la réalité démographique où les femmes ont tendance à vivre plus longtemps que les hommes. Cela peut aussi signifier que les hommes à l'époque étaient plus disponibles et disposés à participer à ce type de recherche que les femmes. 95 % de l'échantillon vivait à Port-au-Prince.

D'après l'étude, après 50 ans, les gens ont tendance à quitter la capitale pour d'autres villes, notamment Pétion-Ville [6]. La pression économique de la capitale pousse les personnes âgées à chercher des zones plus calmes et moins coûteuses. Pétion-Ville étant une ville résidentielle de villégiature à l'époque, on peut supposer que seuls ceux ayant un certain capital économique pouvaient s'y installer.

Par ailleurs, l'étude met en évidence une corrélation entre l'âge et le statut matrimonial : 41,5 % des enquêtés étaient mariés. Le mariage est moins fréquent chez les jeunes et plus courant dans le groupe des 50-74 ans. Le mariage tardif chez les étudiants et la classe moyenne peut être expliqué par le manque de structuration du marché du travail, poussant les jeunes à repousser le moment du mariage. Les plus de 50 ans ont un taux de mariage plus élevé, ce qui peut être le reflet de leur accès au marché du travail. Il serait intéressant d'approfondir la corrélation existant entre les difficultés d'accès au marché du travail et les configurations conjugalo-matrimoniales présentes dans la société haïtienne.

Concernant la représentation des personnes âgées, seulement 22 personnes (11 %) ont plus de 75 ans, ce qui réduit la capacité de l'étude à analyser les réalités du grand âge. Ce groupe étant le plus concerné par la retraite, la dépendance et la vulnérabilité, il aurait été pertinent d'avoir un échantillon plus important. L'étude donne peut-être une vision trop jeune du vieillissement, en se basant majoritairement sur des personnes encore actives.

Toutefois, il convient de souligner que cette étude porte principalement sur la perception sociale de la vieillesse. Sur le plan méthodologique, l'échantillon retenu dans l'essai permet d'observer les différences générationnelles dans la perception du vieillissement, tout en intégrant les dynamiques urbaines et migratoires après 50 ans. Il met également en lumière les facteurs sociaux influençant la vieillesse, notamment le rôle du mariage en lien avec l'ancrage en milieu urbain. D'où son importance pour comprendre la vieillesse comme un enjeu socio-politique.

La vieillesse comme enjeu socio-politique

Dans Vieillir à Port-au-Prince, Comhaire-Sylvain adopte une approche constructiviste [7] pour analyser la vieillesse, en insistant sur son caractère socialement et politiquement construit. Elle la définit comme une condition façonnée par les perceptions collectives, les inégalités de classe et les rapports de pouvoir. Cette posture rejoint les travaux de Bourdieu (1984/2002), qui affirme que la vieillesse est "biologique, [mais] socialement manipulée et manipulable". Cette partie est subdivisée en trois grands points qui mettent en évidence les analyses de l'autrice en rapport avec les classes sociales et les âges, les rapports sociaux de sexe, la reconversion des retraités et l'assurance universelle des travailleurs, en lien avec la problématique du vieillissement dans la ville de Port-au-Prince.

Classes sociales et âges face à la vieillesse

Selon Comhaire-Sylvain, la vieillesse n'a pas d'âge fixe : elle dépend des représentations collectives et des contextes socio-économiques. Elle est un statut attribué par la société plutôt qu'un simple processus biologique. Elle est un marqueur de différenciation sociale, car sa définition varie selon les classes et les milieux sociaux. L'une des contributions majeures de Comhaire-Sylvain est de montrer que la perception de la vieillesse varie selon la classe sociale.

Les classes favorisées tendent à considérer que la vieillesse commence plus tard que dans les classes populaires. Les plus jeunes (12-18 ans) placent la vieillesse autour de 70 ans, ce qui suggère une vision où vieillir est perçu comme un processus tardif et non immédiat. Les signes physiques du vieillissement (cheveux blancs, rides, etc.) sont plus déterminants dans la reconnaissance de la vieillesse que l'âge lui-même. L'entrée dans la vieillesse n'est pas un seuil universel, mais un processus dépendant du regard des autres. L'âge de transition vers la vieillesse dépend entre autres du capital économique, culturel et social d'un individu. Comhaire-Sylvain met en évidence une diversité de perceptions selon les âges.

Tableau 3 - Perception de la vieillesse en fonction de l'âge des individus

Groupe Période considérée comme l’entrée dans la vieillesse
Les jeunes (12-18 ans) 45-65 ans
Les adultes (30-49 ans) 47-64 ans
Les seniors (50-74 ans, « troisième âge ») 45-70 ans
Les plus âgés (75+ ans, « quatrième âge ») 49-67   ans

Trois observations principales ressortent de ces données. Premièrement, les jeunes ont tendance à retarder l'entrée dans la vieillesse, car ils perçoivent les plus de 60 ans comme encore actifs. Deuxièmement, les adultes et seniors situent cette transition plus tôt, probablement en raison de leurs propres expériences de vieillissement.

Troisièmement, il n'existe pas de consensus absolu sur l'âge de la vieillesse, mais une fourchette flexible (45-70 ans) qui dépend de l'expérience individuelle et du regard social. Ces évidences suggèrent que l'absence de système de retraite structuré en Haïti impacte fortement la condition sociale des personnes âgées.

Il en résulte que, sans retraite, la vieillesse ne signifie pas l'arrêt du travail, mais une poursuite d'activité jusqu'à l'incapacité physique ; les classes populaires sont plus exposées à la précarité : contrairement aux élites qui peuvent cesser de travailler, les plus pauvres doivent continuer à subvenir à leurs besoins ; le vieillissement est donc socialement inégalitaire : ceux qui n'ont ni épargne, ni retraite, ni soutien familial se retrouvent parmi les plus vulnérables. Par conséquent, la vieillesse est un enjeu économique et politique, puisqu'elle dépend des ressources et des structures de soutien disponibles. Outre ces évidences, le travail de l'autrice montre aussi le lien intime entre vieillissement et travail. C'est la sortie du marché du travail, volontaire ou forcée, qui devient le principal marqueur social du vieillissement.

À ce titre, l'état de santé, la situation socio-économique, le secteur d'activité, les responsabilités familiales et sociales sont des facteurs corrélatifs pour analyser le vieillissement comme fait social. En témoignent les reconversions professionnelles courantes entre 50 et 70 ans, notamment pour les travailleurs du secteur administratif, qui passent à des métiers moins fatigants. Il en découle que la vieillesse ne constitue pas une rupture brutale avec le monde du travail, mais plutôt une transition progressive, au cours de laquelle les individus adaptent leurs activités économiques afin de rester productifs.

Des rapports de sexe et de la vieillesse

Concernant les rapports sociaux de sexe, Comhaire-Sylvain met en évidence des différences significatives selon la classe et le sexe dans l'expérience du vieillissement au travail. Elle montre que jusqu'en 1924, les femmes des classes supérieures ne travaillaient pas en dehors de la sphère domestique, contrairement aux femmes des classes populaires. Lorsqu'elles entraient sur le marché du travail, elles étaient institutrices, sages-femmes, infirmières, et rarement commerçantes. Elles intégraient parfois le marché du travail après 50 ans, souvent suite à des difficultés économiques familiales.

Par conséquent, elle montre que le statut marital des femmes n'était pas sans incidence sur leur capacité à intégrer le marché du travail. En effet, les femmes célibataires intégraient mieux le marché du travail, car elles n'avaient pas de conjoint à convaincre de leur choix professionnel. Les femmes mariées avaient plus de mal à s'adapter au travail, car elles étaient habituées à la dépendance financière vis-à-vis de leur conjoint. Sensible aux rapports sociaux de sexe, elle montre que quand les hommes partent à la retraite, leurs conjointes prennent souvent le relais économique en s'investissant dans des activités comme : les leçons particulières, la broderie, la couture, la pâtisserie, et le commerce de détail pour garantir l'accès des ménages aux revenus. Concernant les veuves, les célibataires et les divorcées, elles figurent parmi les individus les plus vulnérables face à la retraite. Face à cette situation, les enquêté·e·s suggèrent plusieurs solutions pour ces catégories : 50 % recommandent à ces femmes de chercher un travail ; 30 % leur suggèrent d'initier un travail indépendant à domicile ; 10 % préconisent un mariage de raison avec un homme financièrement stable et 6 % leur proposent de se tourner vers la famille ou l'aide sociale.

De la reconversion des retraité·e·s

Concernant les reconversions professionnelles, l'autrice souligne que les hommes réussissaient mieux dans ce processus, bénéficiant d'un marché du travail plus favorable à leur insertion que les femmes. Parlant des reconversions professionnelles, l'autrice argumente que la reconversion après 50 ans est une pratique courante, notamment pour ceux qui n'ont pas pu épargner durant leur carrière. Toutefois, le succès de cette entreprise dépend de plusieurs facteurs : la compatibilité entre l'ancien et le nouveau métier, le statut social associé au nouveau métier, l'acceptation du changement par l'individu et la société.

Elle n'a pas manqué de faire remarquer que souvent les salariés retardent le départ à la retraite, créant des tensions intergénérationnelles sur le marché du travail entre les jeunes et les plus âgés occupant un même poste. Donc, la reconversion n'est pas nécessairement le premier choix des salariés au moment de la retraite. Poursuivant, elle explique qu'en Haïti, la retraite est le moment qui inaugure une transformation de la manière de générer des revenus. Il n'est pas rare que d'anciens salariés investissent souvent leurs économies dans des commerces informels pour compléter leurs revenus.

Parlant du cas particulier de l'administration publique, elle montre que bien qu'il existe un âge officiel de retraite, il n'est pas strictement appliqué. Les gens ne quittent leur emploi qu'en cas d'incompétence ou d'incapacité physique avérée. Certaines fois, des demandes de prolongation de service sont accordées, car : les pensions sont faibles et leurs mises en place administratives tardives. En outre, elle fait remarquer que dans certains cas, les personnes présentant un profil de retraités ont des responsabilités financières les empêchant de faire le choix de la retraite (ex. : un homme de 80 ans devant encore subvenir aux besoins de sa fille veuve et de ses petits-enfants). De plus, la rareté de certaines spécialités professionnelles rend certains professionnels irremplaçables. Malgré ces considérations, l'autrice montre que le maintien en poste des personnes âgées limite la promotion sociale des jeunes générations.

L'analyse de la partie concernant la reconversion des travailleurs au moment de la vieillesse ouvre au moins trois pistes de réflexion. Premièrement, la vieillesse est fortement structurée par des inégalités de classe et de sexe. Deuxièmement, le manque de protection sociale commande aux anciens salariés de mettre en place des stratégies de réponse pour survivre, notamment les plus démunis, en l'absence d'un système de protection universelle. Troisièmement, les femmes jouent un rôle crucial dans la définition de ces stratégies. Au contraire des travailleurs de l'administration publique, les travailleurs du secteur privé et les indépendants se retrouvent parmi ceux qui sont les plus exposés à la précarité. Partant de ces conclusions partielles, l'autrice présente le système d'assurance universelle mis en place en Haïti en 1967.

De l'assurance universelle en Haïti en 1967

Parlant du système d'assurance universelle, Comhaire-Sylvain pose une question fondamentale : quel est le sort des individus des classes défavorisées lorsqu'ils atteignent la vieillesse sans protection sociale ? Cette interrogation met en lumière un angle mort des politiques de protection sociale en Haïti, qui ne couvrent pas les travailleurs indépendants, les précaires et ceux qui n'ont jamais eu de salaire formel. Poursuivant sa réflexion, l'autrice montre que cette loi, bien qu'introduisant une couverture sociale pour tous, reste inaccessible aux plus vulnérables, ceux qui en auraient le plus besoin. En effet, les travailleurs indépendants doivent cotiser 4 % de leur salaire pour bénéficier d'une pension. Mais la majorité d'entre eux n'a pas les moyens de cotiser régulièrement, ce qui les empêche de bénéficier du système. Ces affirmations montrent que pour certains, notamment les femmes et les plus démunis, la vieillesse devient une période de dépendance et d'incertitude pour ceux qui n'ont pas pu épargner ni bénéficier d'un soutien familial solide. Cette dernière assertion de l'autrice pose les bases d'un débat nécessaire sur la protection sociale en Haïti, qui reste un défi jusqu'à aujourd'hui. Après avoir exposé les principaux arguments de Comhaire-Sylvain sur la vieillesse en Haïti, il est essentiel d'adopter une perspective critique de son travail.

Analyse critique de l'essai

Étude pionnière sur la problématique de la vieillesse en Haïti, Vieillir à Port-au-Prince (1975) illustre l'ampleur des recherches de Comhaire-Sylvain concernant la problématique de la population. En termes de points forts, l'essai se déploie selon une approche participative impliquant des chercheurs locaux et des étudiants, à partir d'une méthodologie qualitative soutenue par un questionnaire ciblant les représentations sociales du vieillissement. En termes de faiblesses, malgré son ambition et sa richesse, l'étude souffre de biais méthodologiques qui influencent les résultats. La surreprésentation des classes moyennes et urbaines suggère aussi un biais dans la mesure où l'étude se concentre sur Port-au-Prince et Pétion-Ville, laissant peu de place aux réalités rurales, pourtant essentielles en Haïti. Le poids des hommes dans l'échantillon ne permet pas d'accéder à une perception féminine située du phénomène. Même si nous devons reconnaître qu'à l'époque les hommes étaient plus nombreux sur le marché du travail que les femmes. L'étude ne donne pas une image complète du vieillissement en Haïti, notamment en ce qui concerne les dynamiques rurales et informelles.[8]

Malgré certaines faiblesses méthodologiques, sur le plan théorique, la richesse de l'essai est incontestable. Recherche pluridisciplinaire, l'essai convoque la démographie, la sociologie, l'anthropologie et dans une moindre mesure les études urbaines pour asseoir une analyse riche sur la problématique de la vieillesse. Selon cet angle, ce texte analyse la vieillesse en relation avec d'autres variables sociales telles que le sexe, le statut socio-économique et les solidarités familiales. Cette approche permet à l'autrice de mettre en évidence la diversité des trajectoires de vieillissement, influencées par les conditions économiques et les réseaux de soutien. Elle révèle ainsi le rôle central des femmes âgées dans les structures familiales et communautaires. Cette analyse ouvre des pistes pour appréhender le travail en tant que matrice de sens. Autrement dit, ce fait ne se limite pas à une activité productive ou rémunératrice, mais constitue un phénomène englobant un ensemble de pratiques et de représentations à travers lesquelles les individus construisent leur identité et définissent leur place dans la société (Mirza, 2010). Avec ce texte, la question de la sociologie du travail est effleurée.

Aussi, ce texte est fondamental pour comprendre les débats sur la protection sociale en Haïti, un pays marqué par la dictature des Duvalier et une absence de politiques publiques sur la vieillesse. Dans cet essai, Comhaire-Sylvain analyse la vulnérabilisation des individus sous le régime duvaliériste. Elle remet en question l'organisation politique de l'époque en mettant en évidence les conditions précaires des salariés et l'absence de droits encadrant leurs conditions de travail. Cette perspective ressemble à celle de Sandra Laugier, qui, en abordant les liens entre régimes autoritaires et care, affirme :

« Pour les régimes autoritaires [...] ce qui les caractérise de façon assez flagrante, c’est qu’ils sont opposés à toute forme de care et n’admettent pas la vulnérabilité [...]. Ils récusent la nécessité pour un gouvernement de prendre soin des plus vulnérables, et en font même un principe politique. » (Laugier & Greffen, 2020, p. 3)

Comhaire-Sylvain utilise la question de la vieillesse pour inciter la collectivité à réfléchir sur l'autonomie individuelle et la capacité d'agir. Elle appelle à une nouvelle politique étatique proposant des mécanismes d'intégration sociale pour les travailleurs des deux sexes. En problématisant la vieillesse, elle suggère un nouveau champ de luttes en faveur de la dignité des travailleurs, s'inscrivant ainsi dans l'héritage revendicatif de sa famille (Lamour, 2024). L'œuvre dresse le portrait d'un État incapable d'organiser la vie de ses citoyens en garantissant un minimum vital pour tous, notamment par une structuration du marché du travail visant à maîtriser l'incertitude (Castel, 2009). En d'autres termes, un État qui échoue à gérer le bien commun. Cette analyse invite également à réfléchir sur l'absence de la population en tant qu'enjeu central de l'État haïtien depuis cette époque. Au-delà de l'analyse des chiffres, Comhaire-Sylvain a su mettre en évidence les réalités humaines et sociales derrière les statistiques, en questionnant les liens entre l'individu, la société et l'État en Haïti.

En conclusion, l'essai offre une analyse de la vulnérabilité au sein de la société haïtienne. Il souligne notre dépendance mutuelle et le devoir collectif de bâtir des institutions fiables, telles que des systèmes de retraite, afin de garantir la dignité des individus lorsqu'ils ne sont plus en mesure de travailler. En somme, cet essai invite à approfondir les réflexions sur la dualité entre individu et société afin de garantir les besoins de protection et de soins qui sont au fondement du lien social.

Par ailleurs, de manière anachronique, il ne serait pas abusif de soutenir que cet essai met la question du care au centre de la réflexion. En effet, en présentant la situation de la femme marchande de sel, sans famille proche, qui malgré son âge continue de vendre son produit dans la capitale, l'autrice propose le souci de l'autre comme piste de lecture de son problème. En ouvrant cette perspective, elle oriente sa réflexion sous l'angle de la justice sociale. C'est-à-dire, comment faire de la responsabilité envers les personnes vulnérables une compétence sociale. Ce faisant, elle théorise le fait selon une approche qui rappelle celle des théoricien·ne·s de la vulnérabilité.

Ainsi, elle présente les enjeux de la vieillesse comme des enjeux collectifs. Elle propose donc une voie pour penser les vies humaines ordinaires en élevant au rang d'exemple les conditions de vieillissement de ceux et celles qui ont reproduit leur vie en dehors du salariat. La vieillesse est un prétexte pour questionner le sens de l'interdépendance dans la société, tout en posant la question du lien générationnel au sein du collectif. Il semble que le vœu de la chercheuse était d'enseigner épistémologiquement comment prendre les vies ordinaires comme lieu pour penser les problèmes collectifs. Bien qu'elle travaille dans une perspective où l'individualisation semble souhaitable, en tant qu'anthropologue, elle complexifie son approche par une certaine conception du care. Cela montre qu'elle n'a pas oublié les enseignements anthropologiques clés concernant la place fondamentale du don/contre-don dans le social. En définitive, tout en reconnaissant la place du marché du travail dans l'organisation des échanges entre les individus et l'État, elle montre qu'elle est aussi consciente du fait que le lien social dépasse les calculs et les intérêts d'un groupe dans la mesure où la vieillesse est mobilisée pour penser le tissage relationnel qui nous attache les uns aux autres, même à notre insu.


Notes

[1] L'édition dont je dispose n'est pas paginée. Référence complète dans la bibliographie de l'article.

[2] Un ouvrage qui a disparu des rayons des bibliothèques haïtiennes et dont la réédition reste incertaine.

[3] J.-B. Romain était le doyen de l'Institut d'Ethnologie de Port-au-Prince. Jean-Baptiste Romain était un éminent ethnologue haïtien, reconnu pour ses contributions significatives à l'étude de la culture et de l'anthropologie en Haïti. Il est l'auteur de L'anthropologie physique des Haïtiens qui fut publié en 1971.

[4] Jeanne Sylvain est née en 1906. Elle était l'une des premières assistantes sociales haïtiennes et une figure pionnière dans le domaine du travail social en Haïti. Dans les années 1940, Jeanne Sylvain a entrepris des études en travail social à l'Université de Chicago. À son retour en Haïti, elle a collaboré avec la Ligue Féminine d'Action Sociale et a fondé une école de travail social, contribuant ainsi à la professionnalisation de ce domaine dans le pays. Elle a fondé une École de travail social à Port-au-Prince.

[5] Madeleine Paillère (1916-2005) était la directrice de l'École Amédée Brun. Journaliste, critique d'art, elle avait animé l'émission « Feuille à Feuille » sur Radio Haïti Inter. Madeleine Dominique Paillère est aussi l'auteure d'un roman Inselbadjo, publié en 1978. Sœur aînée du journaliste Jean Dominique, en 1972, ils ont adapté le roman Gouverneurs de la Rosée en une version radiophonique bilingue.

[6] À noter qu'à l'époque Pétion-Ville n'était pas encore intégrée dans la ville de Port-au-Prince.

[7] Le constructivisme est une approche théorique qui considère que la réalité sociale, les connaissances et les identités ne sont pas des faits objectifs, mais des constructions sociales façonnées par les interactions humaines, les contextes historiques et culturels, ainsi que les discours et représentations.

[8] Toutefois, je dois rappeler que cette présentation ne concerne que le tome I de l'essai.

Pour approfondir le débat

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À propos de l'autrice

Dre Sabine Lamour est sociologue, professeure à l’Université d’État d’Haïti et professeure invitée à l’Université Brown. Titulaire d’un doctorat en sociologie de l’Université Paris 8 (2017), elle est spécialiste des féminismes décoloniaux, des dynamiques de genre et des mouvements féministes haïtiens. Ses recherches déconstruisent notamment le mythe de la Fanm Poto mitan et analysent les rapports de pouvoir en Haïti. Ancienne coordinatrice nationale de SOFA (2017-2022), elle contribue à mouka, une plateforme documentaire sur les droits des femmes haïtiennes. Elle a reçu en 2024 le prix Excellence in Scholarship Award de la Haitian Studies Association.

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